Réelle

Cette sculpture n’existe pas, cette image existe.

Nous réinventons continuellement notre monde, nous le redéfinissons à l’aide de nouveaux outils qui viennent s’ajouter aux précédents pour servir ou interroger notre histoire, nos pratiques et nos savoirs. Que ce soit du point de vue scientifique, politique, technique ou encore artistique, de nouvelles formes de réalité, plus fraîches, viennent régulièrement se placer aux côtés d’autres, plus anciennes et acquises. Se dessine alors une toile où les choses cohabitent et parfois se bousculent, se heurtent. Une réalité peut chercher à en chasser une autre. D’autres fois elles s’ignorent les unes les autres et suivent leur propre chemin, devenant des sortes de réalités parallèles. L’idéal serait sûrement que chaque réalité ne reste pas dans le déni de ses voisines mais plutôt qu’elles s’acceptent. De cette façon les mondes qui se rencontrent ne seraient plus cloisonnés mais ouverts aux possibles. Nos civilisations sont plurielles et certaines laissent la place au doute, élément essentiel pour tout chercheur, auteur et sûrement tout citoyen. Si une réalité n’en supprime pas une autre, elle devient aujourd’hui synonyme d’une connaissance nouvelle qui rehausse le passé et le présent pour les ancrer dans un futur plus vaste.

J’ai choisi de questionner notre rapport au réel au travers des œuvres Rebound. C’est une mise en relation entre deux réalités : la virtuelle et la matérielle. Les Rebounds sont dans un premier temps des dessins digitaux. L’outil contemporain de réalité virtuelle offre une autre liberté physique, l’engagement du corps reste indispensable mais plus léger. Par ce processus créatif, je me dégage momentanément des contraintes matérielles et physiques de l’argile. L’amusement, la surprise, le bond et le rebond, l’humour, le flottement, le dur et le mou, l’espace libre autour de moi : ce sont autant d’éléments rendus possibles par le dispositif qui comblent ma curiosité. Ensuite la force, le déplacement et la transformation de la matière, les gestes de façonnage que je connais si bien et enfin le hasard de la physique-chimie me ramènent à un monde palpable et réellement satisfaisant. Cette nouvelle approche me permet d’agir en superposant deux réels et de créer une œuvre témoin qui cherche à agrandir nos imaginaires.

A chacun ses réalités, pourvu qu’elles se rencontrent et rebondissent ensemble.

Exposition Toucher Terre, à la Fondation Villa Datris, 2022, L’Isle-sur-la-Sorgue (84). Photo Bertrand Michau.